lundi 12 mai 2008

je suis venu te dire que je m'en vais

HPG retrouve enfin L. Talon, au Café de l’industrie, qui est tranquillement en train d’écrire à une table. HPG, essouflé, lui demande ce qu’il écrit, mais, alors que L. Talon commence à lui répondre, il le coupe et recommence à parler tout seul et très rapidement, lui racontant son passage chez Panisse puis sa course dans les rues. L. Talon essaie à plusieurs reprises de prendre la parole sans y parvenir.

Soudain L. Talon s’empare d’un couteau sur la table à côté et le met sous sa propre gorge en menaçant HPG de se tuer s’il ne l’écoute pas, ce qui a pour conséquence de stopper net le monologue de HPG.

L. Talon lui explique qu’il était en train d’écrire une lettre à son attention, et lui demande s’il peut la lui lire ; HPG, mal à l’aise, acquiesce.

L. Talon lui lit la lettre, et pour la première fois, HPG écoute, attentif et ému, mais surtout paniqué face à son incapacité à réagir aux déclarations de son partenaire.

L. Talon commence par raconter une anecdote qui lui est arrivé ce matin (à développer), puis explique qu’il ne peut plus continuer à être un super-héros, qu’il ne se sent plus la force d’assumer l’ambition de sauver le monde. Il ne veut plus avoir l’impression de jouer sa vie à chaque nouvelle mission, il ne supporte même plus l’idée de la violence. Il a besoin à la fois d’une sérénité qu’il n’a jamais trouvée dans cette vie-là, et en même temps d’un nouvel élan vers autre chose ; et il doit trouver cet équilibre inédit ailleurs.

Il loue la vitalité qu’il envie tant à HPG, cette énergie qui lui permet d’éviter de se poser des questions en se projetant constamment vers l’avant, cette faculté à transformer ses angoisses en carburant de ses actions. Il le met toutefois en garde : faire de ses actions les signaux de sa sensibilité ne peut s’ériger en système que s’il construit aussi à côté la possibilité d’une réception à une sensibilité autre, en face de lui.

Il le remercie de lui avoir tendu la main quand il en avait besoin, se rappellera toujours avec émotion des quelques mois vécus ensemble. Il ne se fait pas de souci pour son désormais ex-partenaire, qui lui trouvera sans peine un valeureux remplaçant.

HPG laisse un silence. Puis lâche timidement, en murmurant presque, comme s’il savait qu’il devrait se garder de dire ça, mais que c’était plus fort que lui, que L. Talon ne peut lui faire ça, qu’ils forment une équipe, qu’il ne peut l’abandonner maintenant. L. Talon lui répond qu’il est désolé. (Ils sont réunis dans le même plan pour la première fois)

blissfully yours

La dernière séquence dans l’appartement (qui suit le concert) est alors presque une sorte d’épilogue : tout est déjà fini et ils le savent (le spectateur aussi). Non : tout est déjà fini mais c’est comme s’ils l’avaient oublié (ou voulaient à tout prix ne pas y penser). La séquence du récit des rêves va faire resurgir soudainement la dure vérité de la fin de leur relation (comme des fantômes en apnée (la fin des filles de feu)) et provoquer un grand malaise (je pense aussi à Solaris, la femme qui prend conscience qu’elle n’est qu’une image (et silencio aussi suis-je bête)).

(l’irrémédiable d’abord, de façon diffuse, puis le choc du définitif, le choc de la mort (puis la naissance, et l’élan, merde on dirait honoré))


Plusieurs choses sur cette séquence:

la scène de la corde, à venir, évidemment inspirée de la fin de blissfully, trouver un écart suffisant pour éviter de faire du lheureux,

les larmes de Ranita sur le récit du rêve de Panisse (c'est une question, penser à la jurisprudence Seyvecou sur le Bonello), (d’ailleurs filme-t-on Ranita à ce moment là ? n’est-il pas mieux de ne filmer que Panisse (et donc filmer l’absence de Ranita), pour raccorder après le morceau de Christophe et la chambre désespérément vide sur le visage de Ranita et des larmes déjà séchées ? , ça serait logique non, passer après l'action et passer même après les larmes?),

qui filmer pendant le récit du rêve de Ranita ? (que Ranita je pense (son dernier plan), surtout c’est l’invocation enfin effective, en fait son truc c’est le monologue sacrificiel, je parle pour la dernière fois, au revoir, je te rends ta liberté)

le rêve final de Ranita qui prend forme sous nos yeux je pense aux deux rêves des amants réguliers, sans doute à cause de l’absence de son (le 2ème rêve du film de garrel est muet je crois), et aussi parce que c’est cheap comme le 1er (enfin toute la représentation de mai 68 est cheap), relire aussi la mort du Phoenix dans X-men (ah oui je viens d'y repenser: voir des films de Kenneth Anger pour ça (à la fois la magie de l'invocation et la joie des 1ères images) (invoquer les 1ères images)),

les deux derniers plans du film, je te les lache, un gros plan de Panisse qui répond au téléphone (la sonnerie a interrompu le rêve), on ne comprend pas bien, mais la fiction reprend (sans doute l’intrigue de l’enlèvement de Thomass), il raccroche, cut, le plan s’élargit, Panisse accroupi seul sur le lit, Ranita a disparu, trois secondes, fin.

viens à la maison j’habite chez une copine

.. ce qui rejoint le discours sur le groupe, le couple et le vivre ensemble (pas trouvé une autre expression) : pour renouer avec le vivre ensemble, auquel Panisse aspire depuis le début (disons que c’est chez lui une pente naturelle, presque une nécessité, et en même temps un choix murement réfléchi) (« vivre ensemble » qui est en fait le reflet « côté réel » d’un « exister dans un imaginaire mythologique », l’idée derrière que le récit de super-héros c’est avant tout quelque chose à partager, une culture commune), il faut sacrifier le « vivre à deux », qui (dans le film) isole et ramène toujours tout à une dimension individualiste (le couple=1) des rapports.

La mise en scène est en ce sens extrêmement simple. Le principe qui la gouverne est celui du groupe : inclusion et exclusion, qui s’oppose et qui est ensemble, à quelle condition une personne peut co-exister avec une autre dans le même plan (qu’est-ce que signifie partager un plan, quelles en sont aussi les conséquences (dans mon rapport avec les autres (avec les autres plans aussi))). Comment L. Talon et HPG, bien qu’en duo, sont filmés séparément comme deux notes désaccordées, et que ce n’est que quand c’est fini (après la rupture) qu’un plan à deux est alors possible.

La scène clé dans cette grammaire là est la scène du concert, où sont filmés enfin de multiples agrégats disparates (1+1+1, puis 2+1+1, puis 2+3…) qui peu à peu soutiennent l’idée d’une communauté, qui plus est d’une communauté ouverte (s’invitent également des non super-héros). D'ailleurs après cette scène plus rien ne sera comme avant.

(chez JS à propos de la jeune fille de l’eau : « c’est un film de chambre qui est en même temps une cosmogonie »)

(chez JS encore, à creuser, un chcch = création d’un 3ème terme, 1+1=1=la rencontre qui produit plus qu’un plan les réunissant tous les 2, d’où être deux dans un même plan, l’illusion d’une richesse et l’appauvrissement de chacun des termes, chcch=multiplication de la « puissance » de chacun, hum...)

Sur la scène de fête : bien comprendre sont rôle de déclencheur (la rupture entre Talon et HPG n’était qu’un signe précurseur, presque un flashforward fantasmatique) qui fait prendre conscience à Ranita que tout est déjà fini, que tout est condamné à mourir (première fois, hormis la scène avec Sabri, qu’on épouse vraiment le point du vue de Ranita et lui seul (note pour plus tard : dans la discussion avec Sabri, c’est comme si Panisse était là finalement, puisqu’on ne fait que parler de lui et que suit le débrief que feront Sabri et Panisse de cette discussion)).
Le monde s’introduit soudain dans leur couple, qui pour la 1ère fois les sépare dans les plans, le monde (=les autres) s’introduit d’abord à l’intérieur de leurs plans pour ensuite les séparer dans des plans distincts ; ils ne seront alors plus jamais réunis dans le même plan dans cette scène, même s’ils partagent une même discussion.

De cette séparation Panisse ne semble pas avoir conscience, sans doute trop grisé par cette liberté retrouvée, ce réapprentissage de la rencontre. Ranita, si elle s’amuse aussi, n’est elle pas dupe, et observant de loin la joie de Panisse, ressent une grande mélancolie.

Alors la scène du concert peut arriver et prendre acte des effets (mieux : cueillir les fruits) de cette séparation : la possibilité d’un « vivre ensemble » (cf la scène de concert).

dis-moi que tu m’aimes

- la parole est le cœur du film, sa matière même, en fait la seule matière mythologique qui reste aux personnages.
A la fois le ciment qui les réunit dans leur rêverie (ils passent leur temps à parler les uns de autres, à médire ou envier, mais ce faisant ils valident, et l’existence « mythologique » des autres, et la véracité de cette parole - car celle-ci n’est jamais mise en doute) et leur drame de ne pouvoir faire que ça : parler, sans faire, ni même voir (le spectateur).

- la parole s’épuise, et épuise son orateur jusqu’au dernier souffle, c’est pourquoi les dialogues doivent être dits à toute vitesse. Elle dit le mythe de manière désespérée : il y a dans sa manière d’être exprimée à la fois la terreur de savoir qu’on n’est pas et en même temps l’espoir fou qu’en disant « ça » adviendra, ce qui est le cas à la fin. Mais pour obtenir ce trophée il aura fallu sacrifier ce qu’on avait de plus cher au monde.

- je pensais aussi (ajout du 29 juin 2008) à d'autres trucs à propos de la parole, comme le fait qu'elle joue peut-être le même rôle que celui de '"l'agitation" dans The departed, à savoir qu'elle comble surtout un vide que le silence par exemple (ou la pause chez scorsese) dévoilerait cruellement. "Silence is death" (cassavetes). Les types ne s'arrêtent pas de parler car ils savent qu'au moindre arrêt c'est la mort (= la conscience d'une supercherie, peut-être).

et aussi, on pourrait facilement imaginer qu'un des proches de Panisse, l'un des 4 jeunes super héros dont on brosse le portrait donc, qu'un de ceux-là soit un peu mytho, comprendre qu'il est vu comme tel par son entourage. c'est celui qui parle le plus, qui monopolise le plus la parole, et celui qui raconte aussi les histoires les plus extravagantes, qui se contredisent même parfois; et ce qui est intéressant alors c'est de faire exister la notion de mensonge dans cet univers, ce type qui va trop loin dans ses récits est considéré comme mythomane (ce qui valide par opposition tous les autres récits).

(voir les rohmer restants, découvrir les doillon de nico, revoir les 2 derniers guiraudie, voir du costa aussi, du cassavetes donc)

il y a un an déjà, voire deux / le temps a passé

Bon l'idée au départ c'était de publier de façon éparse des notes sur Les aventures de Panisse et Ranita, épisode 2: La rencontre de Panisse et Ranita, puis finalement je vais aussi y mettre celles sur Les paradis perdus, et aussi Generation X (le film avec HPG), dont je sais pas du tout si ça existera encore dans 3 semaines (l'idée est apparue hier).