mardi 2 décembre 2008

La poudrière, novembre 2008

Sequence : Rue Keller/Ext/Jour

Images documentaires de la rue Keller.

Beaucoup d’adolescents, aux styles très affirmés, se regroupent devant les boutiques, sont assis dans la rue, discutent et rigolent. Ils ont entre 14 et 18 ans, il y a des Emo, des Gothiques, des Punks. Il a l’air de faire froid mais le soleil est éclatant. La séquence est assez longue et on peut ainsi saisir l’objet d’une ou deux discussions, ressentir un lien collectif entre ces jeunes.

Sequence : Boutique de vêtements/Int/Jour

Panisse, un pansement sur le crâne, essaie divers habits. Il tente de nombreuses combinaisons, souvent originales et à la limite du ridicule, devant le miroir de la boutique.
Au moment de payer, il essaie de marchander le prix. La discussion avec le vendeur devient presque comique par sa longueur, et la séquence s’arrête avant qu’on n’en connaisse l’issue.

Sequence : Rues/Int/Jour

Panisse marche seul dans les rues de Paris.
Il semble aller dans une direction bien précise.
Les rues, les immeubles et les déplacements de Panisse forment de subtiles figures géométriques.
Panisse marche face caméra.

Sequence : Boite de nuit/Int/Nuit

Une musique electro au beat enivrant enveloppe toute la séquence, empêchant notamment de bien entendre les dialogues.

De nombreux corps, majoritairement jeunes, dansent sur la musique dans une ambiance relativement sombre ; notre attention se porte progressivement sur Ranita qui, tantôt les yeux fermés, tantôt souriant aux amis qui l’entourent, se meut avec une énergie peu commune ; nous continuons à déambuler au milieu de la foule jusqu’à rejoindre, de l’autre côté de la salle, Panisse qui, immobile, semble comme absent à l’événement.

Soudain, un homme d’une cinquantaine d’années le sort de ses pensées en l’abordant ; il semble vouloir lui dire quelque chose d’important mais le bruit de la boite les empêche de communiquer. Une amie vient chercher Panisse, ce qui ajoute à la confusion de la situation : Panisse finit par donner son numéro à l’homme de cinquante ans et se laisse traîner par son amie, qui lui présente un groupe de jeunes gens, parmi lesquels Ranita (en civil, et dont on ne soupçonne pas les activités de super-héroïne), que Panisse salue timidement avant de se mettre doucement à danser avec eux.

Panisse et Ranita dansent l’un face à l’autre, longuement ; ils se dévisagent un peu du regard.

Sex beat

Ranita trouve ridicule, et le fait de toucher des clochards qui n’ont rien demandé et qui d’ailleurs ne supportent peut-être pas qu’on les touche, et de transformer son attitude face à eux, ce qui selon elle est anti-naturel. Panisse rétorque que si on veut changer les choses il faut peut-être aussi forcer les natures, faire l’effort d’aller contre.

Panisse passe du coq à l’âne : il pensait l’autre jour que ce qu’il aimait peut-être le plus au monde, c’était fermer les yeux et repenser à un souvenir. En fait non, ce qu’il aimait peut-être le plus au monde, c’était le goût simultané du bonheur de revivre ce moment et du vertige de sentir que ce bonheur ne reviendra vraiment jamais. Panisse propose à Ranita d’essayer avec un souvenir qui lui est cher ; Ranita s’exécute.

Panisse propose ensuite à Ranita qu’ils se construisent là maintenant un souvenir pour toujours, qu’ils se crée un moment qui plus tard pourra symboliser toute leur histoire. Panisse a remarqué que la musique marchait bien avec la mémoire affective. Il propose donc à Ranita de se créer une « musique souvenir ». Il faut choisir la musique : ils regardent sur radio-blog, un moment, et finissent par choisir une chanson de XXX, « YYY ».

Ranita lance la musique ; ils ne disent alors plus rien et l’écoutent jusqu’à la fin.
Au milieu de la musique, ils se mettent à danser.


Sequence 13 : Appartement de Panisse/Int/Jour

La porte sonne. C’est HPG qui débarque dans l’appartement, essoufflé. Il parle avec un débit tellement rapide et ininterrompu que Panisse et Ranita restent totalement muets jusqu’à la fin de la scène.

HPG explique qu’il a les sbires du super-vilain III à ses trousses, tout ça parce que lui et Laurent Talon se sont alliés avec les New Delphonic Heroes pour récupérer le talisman ZZZ, que III avait volé à OOO pendant la deuxième bataille des Pépélonomides. Mais l’opération a mal tourné et ils se sont retrouvés face aux sbires de III – HPG soupçonne d’ailleurs les New Delphonic Heroes de les avoir doublés. S’en est suivi un combat au cours duquel HPG et Laurent Talon ont dû se séparer, mais HPG a réussi à dérober le talisman et doit maintenant rejoindre Laurent Talon dans leur cachette, tout en semant les sbires de III dont il n’a pas encore réussi à se débarrasser. Afin de ne pas prendre de risque, il demande à Panisse et Ranita de garder le talisman ici, qu’il récupérera à la fête de Sandy Ronaldo ce week end. Il les remercie et repart aussi vite et brutalement qu’il est arrivé.

Panisse et Ranita sont toujours muets, ils semblent comme abasourdis. Ils s’approchent de la fenêtre et regardent la rue en bas, longuement ; une certaine mélancolie finit par se dégager de ce silence et de cette durée.

lundi 15 septembre 2008

Sous la terre sans Daniela

SOUS LA TERRE

Juillet 2005, je découvre la vie parisienne en m’installant avec Philippe-Henry rue Sedaine. Heureux hasard, Jacky et moi commençons chacun un stage Place Clichy. Nous déjeunons ensemble tous les jours pendant 4 mois, et devenons amis.

Malgré l’absence de Cyrielle, je passe un bel été à écouter Combat Baby de Metric tous les matins avec Audrey. J’acquière un nouveau téléphone portable et me met en tête de tourner quelque chose pour le Pocket Film Festival.
Deux idées adviennent alors.

La première est l’histoire éternelle des néo-parisiens : celle de leur découverte fascinée du métro parisien. J’imagine un film en trois parties que je nomme provisoirement Station Frédéric Lucand.

La première partie filme le métro dans toute sa splendeur mécanique : des escalators immenses avalant des hommes minuscules, des portes d’ascenseur s’ouvrant et se refermant inlassablement, des hommes traversant les couloirs comme des ombres fuyantes.

La deuxième partie est une succession de portraits pris à la dérobée avec mon téléphone.

La dernière partie est docu-fictionnelle : je suis en train de filmer dans le RER presque vide, à l’aube, quand je m’aperçois qu’un couple est discrètement en train de faire l’amour. Je les observe de loin un moment, puis décide de m’approcher lentement d’eux qui ne se rendent compte de rien, et les filme à quelques sièges de distance. Certains voyageurs cachent mal leur gêne ou leur mécontentement. Je prends soudain conscience que je suis arrivé à destination et saute hors du wagon avant que les portes ne se referment. Je continue à filmer les amants depuis l’extérieur jusqu’à ce que le métro disparaisse et que la station s’offre dans sa plus grande nudité.

Bien qu’ayant trouvé une amie prête à faire l’amour dans le métro pour le film, je ne réussis à tourner que les deux premières parties, dont je retrouve les rushs par hasard en septembre 2008.

(musiques : Dead Disco et Combat Baby de Metric)


SANS DANIELA

Je rencontre Daniela pour la première fois en octobre 2005 à une soirée chez Alex, rue Dauphine. Brésilienne et Américaine à la fois, belle et pétillante, incroyablement vivante, je tombe aussitôt amoureux. Quelques semaines plus tard, je lui propose de faire un film avec mon téléphone portable. Je ne me rappelle plus du titre provisoire, mais l’histoire était la suivante.

Un homme tombe amoureux d’une femme dans la rue et se met à la filmer avec son téléphone, à la dérobée. Il la suit dans la rue, dans le métro : partout. Un soir, il réussit à s’introduire chez elle et la filme en train de dormir.

Je ne sais plus par quel artifice scénaristique, mais ils finissent par se rencontrer et devenir amants, et l’homme, ayant pris l’habitude de la filmer avec son téléphone, continue à le faire, pas toujours avec son consentement.

L’homme erre avec son téléphone dans les rues de Paris, à la recherche de l’ombre de celle qu’il a tant aimée. Filmant obsessionnellement toutes les filles qui lui ressemblent, il finit par tomber sur elle. Je ne sais plus comment se terminait cette histoire.

Je n’ai tourné qu’une demi-journée avec Daniela, aujourd’hui repartie à Boston.

(musiques : Daniela d’Elmer Food Beat et Daniela de Christian Castro)

mercredi 20 août 2008

Pour qui j'ai des sentiments, hein, pour qui?

Mais Ranita recadre la rencontre et en vient à l’objet de sa convocation. Elle apprend calmement à Panisse que le code déontologique des super-héroïnes est de ne dévoiler leur identité civile à personne et sous aucun prétexte. Si elles venaient à être démasquées par quelqu’un, elles n’ont alors qu’une alternative : faire leur vie avec cette personne… ou la tuer. Que Panisse ignore cette règle ne change rien : Ranita doit respecter la loi des super-héroïnes ou renoncer à en être une. Ils discutent alors de l’éventualité de se battre, comparent pour cela leurs palmarès respectifs, leurs spécialités de combat. Ranita confesse être incapable de tuer quelqu’un : elle demande donc à Panisse s’il accepte de faire sa vie avec elle. Panisse réfléchit ; il acquiesce.

Ranita demande à Panisse s’il a une copine, il répond que non. Ranita a un petit-ami. Elle ne lui a pas révélé son activité de super-héroïne : elle lui fait croire qu’elle est représentante de commerce. Ranita commence alors un long monologue absurde, devant Panisse, qui ne comprend rien mais reste stoïque (il s’agit en réalité du dialogue de Heat entre De Niro et Pacino, que Ranita récite seule).

Panisse coupe Ranita avant la fin de son monologue : il a une urgence et doit partir. Il se propose de payer et explique qu’étant un habitué de ce café, il va essayer de marchander le prix. On l’observe marchander de loin.


Appartement de Panisse/Int/Nuit

L’appartement semble vide.

On entend en off la voix de Panisse : il est en train de prononcer des mots obscènes, il fait apparemment l’amour avec un homme ; cependant le ton de sa voix est étrangement mécanique, il découpe tous les mots avec une froideur inhabituelle, presque clinique. On aperçoit Panisse qui traverse l’appartement : il est en fait au téléphone. Il continue son manège, quand sa porte sonne.

Un peu paniqué, Panisse met maladroitement fin à sa discussion en s’excusant et prétextant une urgence.

Ranita entre dans l’appartement. Ils s’embrassent rapidement sur la bouche : la familiarité de leurs comportements l’un envers l’autre nous fait comprendre que du temps a passé et qu’ils forment désormais ce qu’il est convenu d’appeler un couple.

Ranita est belle : elle s’est un peu maquillée et porte un débardeur rouge sous un léger pull noir qui lui découvre une épaule ; elle arbore des boucles d’oreille et un bracelet en plastique rouge.

Ranita demande à qui parlait Panisse : elle a entendu des cris. Panisse lui répond qu’il faisait son calling téléphonique ; en ce moment il doit vendre des services à la personne pour personnes âgées, il tombe donc souvent sur des malentendants.

Ranita est toute excitée, le duo qu’elle forme avec Panisse figure dans le classement des meilleurs espoirs de l’année de XX, le magazine spécialisé sur les super-héros ; ils sont à la 7ème place ! Elle sort le magazine et le montre à Panisse (le spectateur ne verra jamais le contenu du magazine), puis lui lit le commentaire qui est fait de leur équipe. « Un nouveau duo réunissant deux jeunes prometteurs dont on avait déjà parlé dans ces colonnes. Joueurs, ils affirment vouloir marcher dans les pas du plus grand couple de super-héros, les Chevaliers errants au sud de l’Anamour Juliette et Isidore ; c’est tout le bien qu’on leur souhaite ». Panisse a l’air content, mais remarque qu’ils devraient changer leur photo officielle, vraiment ridicule à son goût.

Ranita lui apprend également que Rachid Dajïdani et ses jeunes de Génération X sont en 2ème position, avec ce commentaire : « Peut-être le plus beau geste de ses dernières années, l’école de Rachid Dajïdani, qui, loin de l’élitisme des deux puissances incontournables, montre justement qu’il est possible de les contourner, à plus forte raison quand rien ne nous y prédestine. Et si l’avenir des super-héros se trouvait là ? ». Ranita énumère la liste des 10 espoirs.

Elle s’étonne ensuite de trouver le duo formé par HPG et Laurent Talon dans les flops de l’année, avec ce dur commentaire : « Difficile de faire plus désaccordé que le duo le plus improbable de l’année : l’ex-star des Surpuissants HX3, qui a, depuis sa brutale exclusion, pris un sérieux coup de vieux et le poète dandy dont on s’est toujours demandé si la réputation - aussi bien super-héroïque qu’artistique - n’était pas terriblement surévaluée. »

Ranita passe enfin sur le classement des grandes entreprises de super-héros, avec une surprise de taille : Mediacritik et Les Surpuissants HX3 sont premiers ex-acquo, alors que Mediacritik a toujours été leader de ce classement.


Restaurant Grec/Int/Nuit

La discussion continue étrangement exactement là où elle s’était arrêtée dans l’appartement : malgré le changement de lieu, il semble y avoir une parfaite continuité temporelle. Panisse et Ranita sont face à face autour d’une table, dans un restaurant grec. Elle est toujours en train de lire le magazine à Panisse.

Le magazine explique donc son choix par, d’un côté, le fracassant départ de trois des membres historiques de Mediacritik, Raqi33, Boba7 et Kubabob, dont on ne peut prédire aujourd’hui les conséquences à long terme sur le Team, et, de l’autre, la politique dynamique, agressive et ambitieuse des Surpuissants HX3, qui, alliée à des tarifs moins chers, lui a permis depuis maintenant trois ans de gagner chaque année de nouveaux contrats importants.

Panisse s’interroge sur cette logique mystérieuse qui pousse tous les hommes et toutes les organisations à toujours s’étalonner par rapport à l’autre, à toujours tenter d’exister en diminuant l’autre ; gagner, qu’est-ce que ça peut bien signifier, se demande-t-il.

Ranita le coupe : son amie Sandrine Rinaldi, ex-Strange Girl, les a invités à la grande fête qu’elle organise dans son appartement le week end prochain. Panisse en a en effet entendu parler par Rachid Djaïdani, il a hâte d’y être car les fêtes sont de plus en plus rares ces derniers temps.

Le serveur vient prendre la commande mais Panisse et Ranita n’ont pas commencé à regarder la carte ; ils lui demandent cependant de rester afin de lui poser des questions sur les plats. En fait, ils vont descendre la carte plat après plat en demandant à chaque fois des explications au serveur, la scène devenant presque absurde au bout d’un moment. Ils finissent par commander.

Panisse a croisé dernièrement son vieil ami Rodolphe Pauly, que Ranita n’a encore jamais rencontré. Justement, Rodolphe Pauly veut à tout prix rencontrer Ranita, mais seul à seul, a-t-il insisté. Ranita trouve cette requête étrange, Panisse lui répond qu’il faut s’habituer à être surpris, voire bousculé, avec Rodolphe Pauly. Il lui raconte brièvement comment ils se sont rencontrés : se fréquentant de loin grâce à un ami commun, Panisse avait un jour proposé à Rodolphe Pauly de venir discuter avec lui dans la salle des dangers de la MJC de Cergy Pontoise. Ils avaient alors discuté trois heures durant, échangeant notamment tout de suite des choses très personnelles ; on peut dire qu’après cette discussion, ils étaient devenus amis. Ranita accepte de rencontrer Rodolphe Pauly seul à seul.

Panisse et Ranita s’échangent leurs cadeaux de Noël. Ils ont l’air heureux. La scène coupe juste avant l’ouverture des paquets.

lundi 18 août 2008

L'histoire du buffle et du visage de pierre

Rose - Attends, je réfléchis. Daet, qu’est-ce qui s’est passé déjà l’année dernière ?

Daet - L’histoire de l’année dernière ? Les cambodgiens qui sont venus de France avec leurs enfants, je me demande ce que c’est déjà l’histoire.

Rose - C’est l’histoire d’un couple avec deux enfants.

Tearak - Deux enfants, une fille et un garçon. Une fille et un garçon.

Rose - Deux enfants… j’ai oublié, dis voir.

Sopheak - Un garçon et une fille. Ces enfants sont tombés malades. Les parents les ont emmenés voir un docteur. Et c’est quoi après ?

Tearak - Le docteur les a vus et les a soignés. Et il a dit qu’il fallait…

Daet - Mais non, attends. La fille avait mal aux yeux, elle devenait aveugle, et le garçon avait très mal au cou. Donc ils sont allés voir un docteur. Mais il ne savait pas ce qu’ils avaient. Comme les parents avaient des croyances cambodgiennes, ils les ont emmenés au temple pour que le moine les voie. Et après ?

Rose ( - Qu’est-ce que tu prépares ? )

Daet - Phea ? Tu as commencé le service à ce moment là non ? Tu connais l’histoire ?

Phea - Non, je ne travaillais pas encore, je ne sais pas.

Rose - Mais toi tu le sais non ?

Savanny - Ah, je me rappelle un peu… Après être allés au temple, je crois qu’ils ont abandonné les enfants dans la forêt et qu’ils se sont perdus dans la mer.

Sopheak - Je me souviens qu’ils sont partis tous les deux dans la forêt. Le frère s’est perdu dans la mer et la sœur s’est perdue dans la forêt. Je ne me souviens pas trop.

Daet - Ils sont partis ensemble. Le frère marche, marche, jusqu’à atteindre la mer. Il descend dans l’eau et disparaît dedans. Il ne s’est pas perdu, il a disparu. Et la sœur parvient aux temples anciens. Elle entre dans un temple et disparaît à son tour. Et alors, est-ce vrai que les parents ne les ont pas trouvés ? C’est très étrange. Ils ne les ont pas trouvés.

Rose - Oui, ils ne les ont pas trouvés.

Daet - Cette histoire est étrange. A ce moment là, Tearak était là.

Tearak - Non, je n’étais pas là.

Savanny - Je l’ai entendue, moi, cette histoire.

Rose - J’ai entendu dire que le garçon s’est transformé en buffle, et qu’il est parti dans les champs.

Tearak - En bœuf.

Rose - Non, en buffle.

Daet - Alors que la sœur, son visage s’est transformé en pierre. C’est étrange.

Rose - A Angkor Vat.

Tearak - Oui, comme moi, un visage de pierre. (rires)

Rose - C’est vraiment étrange.

Daet - C’est vrai, cette histoire est vraie.

Rose - Ca s’est passé ici.

lundi 30 juin 2008

la chatte à deux têtes

Appartement de Panisse/Int/Jour

Panisse et Ranita se font face, toujours devant la fenêtre, toujours muets, comme s’ils étaient restés là pendant tout ce temps. L’émotion de leurs regards donne l’impression qu’ils ont assisté à la confession d'Antiphon.

Soudain Panisse recule lentement. Ranita lui demande où il va. Panisse tourne les talons et sort du plan, lâchant qu’il doit aller chercher Thomass. Ranita reste muette et stupéfaite.


Rues/Ext/Jour

Panisse, revêtu de ses habits de super-héros, pour la première fois du film, arpente les rues sous un soleil aveuglant. Il se dégage quelque chose, dans ce soleil et la douceur des pas de Panisse, de l’ordre d’une respiration, d’un élan de liberté, presque d’une victoire.

La ville, en totale harmonie avec les mouvements de Panisse, semble s’offrir à nos yeux comme si c’était la première fois.

Soudain quelque chose attire l’attention de Panisse, qui aussitôt enlève son masque et se cache derrière un arbre. Il se met alors à suivre discrètement quelque chose que nous ne voyons pas. Il enlève également sa cape et son écusson et se met à hâter le pas, jusqu’à rattrapper un élégant homme d’une soixantaine d’années, en costume. Les deux hommes échangent au milieu de la rue des mots que nous ne percevons pas, Panisse n’a pas l’air très à l’aise. L’homme hoche la tête, comme en réponse à une question que lui aurait posée Panisse.


Café/Int/Jour

Panisse et l’homme sont face à face dans un café qui pour la première fois n’est pas le Café de l’Industrie.

L’homme est en fait Numéro Zéro, un super-héros légendaire aujourd’hui à la retraite. C’est l’une des deux idoles absolues de Panisse, avec Radovan Rémila Stoï, tué pendant la première bataille des Pépélomonides. S’il a décidé de devenir un super-héros il y a deux ans au lieu de faire des études d’informatique, c’est grâce à eux deux et à ce qu’ils ont représenté pour toute une génération.

Panisse lui demande ce qu’il fait désormais. Numéro Zéro répond qu’il est à la retraite, et qu’il n’a plus qu’une activité : vieillir et mourir à petits feux. Panisse, surpris, lui demande pourquoi il n’enseigne pas comme le font Supad ou La Boule. Numéro Zéro est amusé par la question : enseigner et former des jeunes ne lui a jamais traversé l’esprit, même si on lui en parle sans arrêt, et cette fameuse période dorée dont parlent les medias n’a pour lui jamais vraiment existée. Il se rappelle qu’il faisait ça parce qu’il ne savait rien faire d’autre, mais qu’au départ il a toujours rêvé d’être romancier. Il ne comprend pas ces jeunes qui cherchent à ressembler à leurs ainés, alors que lui ne cherchait qu’à s’en défaire. Il voit surtout que la retraite des super-héros est ridicule, et qu’il n’a même pas assez d’argent pour se payer un gigolo par semaine.

Panisse ne relève pas, et lui demande comment ils se sont disputés avec La Boule, le directeur des Surpuissants HX3. La réponse de Numéro Zéro est difficilement compréhensible, et celui-ci questionne en retour Panisse sur ses activités et son actualité. Panisse raconte qu’il était à la recherche de son ami d’enfance Thomass, avec qui, coïncidence, il s’est lui aussi brouillé. Il a parfois l’étrange impression qu’en essayant de retrouver Thomass, c’est son propre reflet dans le miroir qu’il cherche. Mais Panisse délaisse ces réflexions personnelles pour poser à Numéro Zéro une question qui lui brûle les lèvres (il dit « rêves » à la place de « lèvres »): il a toujours soupçonné que c’était lui et pas La Boule, comme le dit la légende, qui a porté le coup final à XXX pendant leur combat final de la première bataille des Pépélomonides ; La Boule était un défenseur terrible mais son inertie ne lui aurait jamais permis de vaincre XXX.

Numéro Zéro est agacé par la question qu’on lui pose tout le temps, et propose à Panisse d’aller en boite pour danser. Panisse est décontenancé, il tente de refuser. Numéro Zéro lui propose alors un cinéma, le flatte sur ses bras si minces, Panisse est visiblement mal à l’aise et refuse encore.

Un silence s’installe entre les deux hommes, Panisse a les yeux baissés et Numéro Zéro le regarde en fumant.

Panisse s’excuse, il doit partir retrouver sa copine avec qui il a rendez-vous.

mardi 24 juin 2008

invocation of my demon brother

Assayas sur Kenneth Anger (ça vaut aussi pour Posé Jacky):

"S'intéresser à l'autre, c'est accepter l'autre en tant que scénario, et s'ouvrir à la fiction qui est l'interaction de plusieurs regards autres, de plusieurs désirs à la fois contradictoires et complémentaires mais au bout du compte unifiés. Unifiés par la fiction justement, suscitée par le cinéaste-magicien qui s'accepte non plus en tant que pur démiurge mais en tant que poète dont l'art naît de sa relation avec le monde dans son étrangeté, c'est-à-dire non pas avec ce qu'il en sait, ce qu'il en connaît et qui au fond est déjà absorbé par son expérience, mais avec ce qui lui est extérieur, avec ce qu'il ne connaît pas, faisant du processus artistique un processus de découverte, d'exploration du réel et de son altérité (et le ramenant ainsi à l'identique)."

C'est pour contredire la loi qui veut qu'on ne peut filmer que ce qu'on connaît (je dirais la loi scorsesienne, à laquelle j'ai longtemps cru). C'est Jean-Charles Hue et son "Y'a plus d'os" qui m'ont mis la puce à l'oreille.